Histoire du texte arabe Kalîla wa-Dimna
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Le
Pañchatantra , qui signifie en sanskrit
« Le Livre d’instruction en cinq parties »)
qui semble la mise en forme d’un texte du IVe
ou Ve siècle de notre ère.
Il raconte l’histoire des chacals
Karataka [devenu Kalila en arabe] et
Damanaka [Damna en arabe].
Il arrive
très tôt au Moyen-Orient. Une traduction
pahlavie (moyen-perse) est effectuée au VIe
siècle par Buzurjmihr, médecin de Khosroès
Anurshiwân et, quelques décennies après,
circule une version syriaque.
L’écrivain
Ibn al-Muqqafac effectue une
traduction libre du pahlavi en arabe vers
750.
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Impact des fables
arabes en Europe
1. Au
Moyen-Âge
La version arabe passe en
Europe dès le XIIIe siècle :
* Au XIIe
siècle, un certain Rabbi Joël en livre une version hébraïque
;
* Au début du XIIIe
siècle, Jacob ben Eleazar en donne à Tolède une seconde
version hébraïque ;
* Avant le milieu du début du
XIIIe siècle, apparaît une version latine dont
l’auteur est inconnu ;
* En 1251, Alphonse X ordonne
à Tolède sa traduction en espagnol ;
* Vers 1265, Jean de Capoue
effectue sous le titre Directorium vitae humanae une
version latine
à partir de l’hébreu,
peut-être le texte de Rabbi Joël (?) ;
* Vers 1270, la version
hébraïque de Jacob ben Eleazar donne lieu à une
traduction latine ;
* En 1313, la version
espagnole d’Alphonse X est à son tour traduite en latin.
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La popularité du texte qui se
lit dans cette série de traductions ont un effet immédiat
dans la littérature européenne:
* Raymond Lulle, s’en
inspire, à partir de 1265, dans les versions successives du
Livre des merveilles, écrites en catalan.
* Don Juan Manuel
utilise les fables et contes de Kalila et Dimna dans
son Libro de los
exiemplos del Conde Lucanor et de Patronio,
1328-1335, une des premières œuvres littéraires en espagnol
commun. Ce libre inspira lui-même le Decameron de
Bocacce et le Dernier des Abencérrages de
Chateaubriand. |
El Conde Lucanor
contient notamment, dans les récits de Dona Truhana (n°
VII), « le religieux qui versa la miel et la graisse
sur sa tête », qui est à l’origine de la fable « La laitière
et le pot au lait » chez de Jean de La Fontaine. |
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* Le majorquin Anselme Turmeda
utilise la fable « Le faucon et le coq » dans son Cobles
de la division del regna de Mallorques, écrit avant
1385, avant qu’il ne se convertît à l’Islam, ne prît le nom
de cAbdallah al-Turjamân, c’est-à-dire « Abdallah
le traducteur », et ne s’installât à Tunis.
* Le célèbre Roman de
Renart, recueil de textes du XIIe et du XIIIe
qui met met en scène des animaux dont les deux principaux :
le loup Ysengrin et surtout le goupil Renart, le si célèbre
héros, et le Roi-lion qui sert d’arbitre.
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2.
De la Renaissance au XVIIème siècle
La succès des traductions
hébraïques et latines médiévales de Kalila et Dimna
est tel que de nombreuses traductions s'effectuent dans les
langues communes à partir de la Renaissance :
* en allemand en 1480 et en
espagnol moderne en 1493.
* en italien en 1548 et en
1552.
* en anglais en 1570 et en
hollandais en 1623.
* en français en 1518 sous le
litre « Exemplaire contre les ruses et les dangers du monde
» à partir de Jean de Capoue.
* les éditions françaises de
Gilbert Gaulmin sous un pseudonyme, en 1644, sous le titre
Le Livre des lumières ou la Conduite des Rois, composée
par le sage Pilpay Indien, traduite en français par David
Sahid, d’Ispahan, ville capitale de Perse, et la
traduction faite en 1666 par le Le Père Poussines sous
le titre Specimen sapientiae Indorum veterum (Modèle
de la sagesse des anciens Indiens), sont contemporaines
de Jean de La Fontaine qui fait expressément référence à la
première (voir LOCHON, Christian,
« La Fontaine et ses sources orientales »,
Lettre de l’Association des Professeurs de
Lettres, n° 24, juin 2002, en ligne sur ce
site).
Voici l’hommage que rend La
Fontaine au « sage indien Pilpay » dans la préface à la
seconde édition de ses Fables
« Seulement je dirai par
reconnaissance que j'en dois la plus grande partie à Pilpay,
sage indien. Son livre a été traduit en toutes les langues.
Les gens du pays le croient fort ancien, et original à
l’égard d’Ésope,
si ce n'est Ésope lui-même sous le nom du sage Locman ».
Outre cela,
La Fontaine, fait référence à cet auteur par
trois reprises :
* dans La
Souris Métamorphosée en Fille (IX, 7) :
« Pilpay jusqu'au Soleil eût enfin remonté
[...] ».
* dans Le
Milan, le Roi et le Chasseur (XII, 12) :
« Pilpay fait près du Gange arriver
l'aventure ».
* dans Le
Corbeau, La Gazelle, la Tortue et le Roi
(XII, 15) : « Pilpay conte qu'ainsi la chose
s'est passée ».
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Le Chat, la Belette et le Petit Lapin
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Le Berger et le Roi
Le Chat, la Belette et le Petit Lapin,
Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat,
Les Deux Pigeons,
L’Homme et la Couleuvre,
La Laitière et le Pot au lait
Le Loup et le Renard
Les Poissons et le cormoran,
Le Rat des villes et le Rat des champs
La Souris métamorphosée en fille,
La Tortue et les deux canards
etc. |
Voici l'hommage que rend La Fontaine à ce qu'écrit
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IBN AL-AWZÎ
(1186-1256)
Le lion, le loup et le
renard |
JEAN DE LA FONTAINE
Le lion, le loup et le
renard |
Le lion tomba malade.
Tous les animaux sauvages
vinrent lui rendre visite, sauf le renard ; le loup en
profita pour le calomnier et raconter des propos mensongers
sur son compte.
S’adressant au loup, le lion
lui dit :
- « Si le renard se présente,
préviens-moi. »
Entre-temps, le renard fut
mis au courant des agissements du loup.
Lorsque le renard arriva, le
loup avertit le lion. Ce dernier demanda au renard :
- « Où étais-tu, brave cavalier? » Le renard répondit :
- « J’étais parti en quête d’un remède pour Sa Majesté.
»
- « Et qu’as-tu trouvé ? » demanda le lion, intéressé.
- « On m’a conseillé le remède suivant : un osselet de la
patte du loup ».
Le lion asséna alors un coup
de griffe qui mit en sang la patte du loup, mais ne trouva
rien.
Le renard s’éclipsa, puis il
vit le loup, les pattes couvertes de sang, il lui dit :
-« Ô toi, le loup à la patte rouge de sang, tu ferais mieux, lorsque tu
t’assieds chez les rois, de retenir ta langue ».
|
Un lion, décrépit, goutteux, n’en
pouvant plus,
Voulait que l’on trouvât remède à la vieillesse.
Alléguer l’impossible aux rois, c’est un abus.
Celui-ci parmi chaque espèce
Manda des médecins: il en est de tous arts.
Médecins, au lion, viennent de toutes parts ;
De tous côtés lui vient des donneurs de recettes.
Dans les visites qui sont faites,
Le renard se dispense, et se tient clos et coi.
Le loup en fait sa cour, daube, au coucher du roi,
Son camarade absent. Le prince tout à l’heure
Veut qu’on aille enfumer renard dans sa demeure,
Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté ;
Et sachant que le loup lui faisait cette affaire :
« Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère
Ne m’ait, à mépris, imputé
D’avoir différé cet hommage ;
Mais j’étais en pèlerinage,
Et m’acquittais d’un vœu fait pour votre santé.
Même j’ai vu dans mon voyage
Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur
Dont votre majesté craint à bon droit la suite.
Vous ne manquez que de chaleur ;
Le long âge, en vous, l’a détruite :
D’un loup écorché vif, appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante :
Le secret, sans doute, en est beau
Pour la nature défaillante.
Messire loup vous servira,
S’il vous plaît, de robe de chambre . »
Le roi goûte cet avis-là.
On écorche, on taille, on démembre
Messire loup. Le monarque en soupa,
Et de sa peau s’enveloppa.
Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire ;
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire :
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière :
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien.
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traduit et présenté par Fahd Touma:
http://www.aly-abbara.com/litterature/fables/fables_arabes.html#ratsfontaine
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Al-IBSHÎHÎ
(1388-1446)
La souris du logis et la
souris du désert |
JEAN DE LA FONTAINE
Le rat des villes et le
rat des champs |
On raconte que la souris du logis vit
la souris du désert dans la gêne et la peine ; elle lui dit
:
- « Que fais-tu ici ? viens avec moi au logis car il y a
toutes sortes d’opulence et d’abondance ».
Alors la souris du désert
vint avec elle.
Mais voici que le propriétaire du logis qu’elle habitait lui
tendit un piège, constitué par une brique au-dessous de
laquelle il avait placé un bout de graisse. Elle se
précipita pour prendre le gras, la brique lui tomba dessus
et l’écrasa. La souris des champs s’enfuit, hochant la tête
et, étonnée, elle dit :
- « Certes, je vois une grande
abondance, mais aussi une grande affliction ; par
conséquent, la santé avec la pauvreté me sont plus douces
que la richesse qui conduit à ma perte. »
Puis elle s’enfuit vers le désert. |
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête ;
Rien ne manquait au festin :
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse on se retire :
Rats en campagne aussitôt,
Et le citadin de dire :
« Achevons tout notre rôt.
- C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;
Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc : fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre ! »
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traduit et présenté par Fahd Touma:
http://www.aly-abbara.com/litterature/fables/fables_arabes.html#ratsfontaine
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