FICHES DÉCOUVERTES

 

 

Héritages arabes et orientaux

dans les fables animalières

 

Dernière  mise à jour le dimanche 18 janvier 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire de la page :

 

Histoire du texte arabe Kalîla wa-Dimna

L’impact des fables arabes en Europe :  

1. Au Moyen-Âge

2. Au XVIIème siècle

 

Abd Allah Ibn al-Muqaffac, Kalîla wa-Dimna,

Paris BnF, ms. arabe Arabe 3465, f° 48, vers 1200-1220.

 

 

Histoire du texte arabe Kalîla wa-Dimna

 

Le Pañchatantra , qui signifie en sanskrit  « Le Livre d’instruction en cinq parties ») qui semble la mise en forme d’un texte du IVe ou Ve siècle de notre ère.  Il  raconte l’histoire des chacals Karataka [devenu Kalila en arabe] et Damanaka  [Damna en arabe].

Il arrive très tôt au Moyen-Orient. Une traduction pahlavie (moyen-perse) est effectuée au VIe siècle par Buzurjmihr, médecin de Khosroès Anurshiwân et, quelques décennies après, circule une version syriaque.

L’écrivain Ibn al-Muqqafac effectue une traduction libre du pahlavi en arabe vers 750.

 

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Impact des fables arabes en Europe

 

1. Au Moyen-Âge

 

La version arabe passe en Europe dès le XIIIe siècle :

* Au  XIIe siècle, un certain Rabbi Joël en livre une version hébraïque ;

* Au début du XIIIe siècle, Jacob ben Eleazar en donne à Tolède une seconde version hébraïque ;

* Avant le milieu du début du XIIIe siècle, apparaît une version latine dont l’auteur est inconnu ;

* En 1251, Alphonse X ordonne à Tolède sa traduction en espagnol ;

* Vers 1265, Jean de Capoue effectue sous le titre Directorium vitae humanae une version latine

à partir de l’hébreu, peut-être le texte de Rabbi Joël (?) ;

* Vers 1270, la version hébraïque de  Jacob ben Eleazar donne lieu à une traduction latine ;

* En 1313, la version espagnole d’Alphonse X est à son tour traduite en latin.

 

La popularité du texte qui se lit dans cette série de traductions ont un effet immédiat dans la littérature européenne:

 

 

* Raymond Lulle, s’en inspire, à partir de 1265, dans les versions successives du Livre des merveilles, écrites en catalan.

 

 * Don Juan Manuel utilise les fables et contes de Kalila et Dimna dans son Libro de los exiemplos del Conde Lucanor et de Patronio, 1328-1335, une des premières œuvres littéraires en espagnol commun. Ce libre inspira lui-même le Decameron de Bocacce et le Dernier des Abencérrages de Chateaubriand.

 

El Conde Lucanor contient notamment, dans les récits de Dona Truhana (n° VII),  « le religieux qui versa la miel et la graisse sur sa tête », qui est à l’origine de la fable « La laitière et le pot au lait » chez de Jean de La Fontaine.

 

* Le majorquin Anselme Turmeda utilise la fable « Le faucon et le coq » dans son Cobles de la division del regna de Mallorques, écrit avant 1385, avant qu’il ne se convertît à l’Islam, ne prît le nom de cAbdallah al-Turjamân, c’est-à-dire « Abdallah le traducteur », et ne s’installât à Tunis.   

* Le célèbre Roman de Renart, recueil de textes du XIIe et du XIIIe qui met met en scène des animaux dont les deux principaux : le loup Ysengrin et surtout le goupil Renart, le si célèbre héros, et le  Roi-lion qui sert d’arbitre.

 

 

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2. De la Renaissance au XVIIème siècle

 

La succès des traductions hébraïques et latines médiévales de Kalila et Dimna est tel que de nombreuses traductions s'effectuent dans les langues communes à partir de la Renaissance :

* en allemand en 1480 et en espagnol moderne en 1493.

* en italien en 1548 et en 1552.

* en anglais en 1570 et en hollandais en 1623.   

* en français en 1518 sous le litre « Exemplaire contre les ruses et les dangers du monde » à partir de Jean de Capoue.

* les éditions françaises de Gilbert Gaulmin sous un pseudonyme, en 1644, sous le titre Le Livre des lumières ou la Conduite des Rois, composée par le sage Pilpay Indien, traduite en français par David Sahid, d’Ispahan, ville capitale de Perse, et la traduction faite en 1666 par le  Le Père Poussines sous le titre Specimen sapientiae Indorum veterum (Modèle de la sagesse des anciens Indiens), sont contemporaines de Jean de La Fontaine qui fait expressément référence à la première (voir LOCHON, Christian, « La Fontaine et ses sources orientales », Lettre de l’Association des Professeurs de Lettres, n° 24, juin  2002, en ligne sur ce site).

 

Voici l’hommage que rend La Fontaine au « sage indien Pilpay » dans la préface à la seconde édition de ses Fables « Seulement je dirai par reconnaissance que j'en dois la plus grande partie à Pilpay, sage indien. Son livre a été traduit en toutes les langues. Les gens du pays le croient fort ancien, et original à l’égard d’Ésope, si ce n'est Ésope lui-même sous le nom du sage Locman ».

Outre cela, La Fontaine, fait référence à cet auteur par trois reprises :

* dans La Souris Métamorphosée en Fille (IX, 7) : « Pilpay jusqu'au Soleil eût enfin remonté [...] ».

* dans Le Milan, le Roi et le Chasseur (XII, 12) : « Pilpay fait près du Gange arriver l'aventure ».

* dans Le Corbeau, La Gazelle, la Tortue et le Roi (XII, 15) : « Pilpay conte qu'ainsi la chose s'est passée ».

 

Le Chat, la Belette et le Petit Lapin

Le Berger et le Roi

Le Chat, la Belette et le Petit Lapin,

Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat,

Les Deux Pigeons,

L’Homme et la Couleuvre,

La Laitière et le Pot au lait

Le Loup et le Renard

Les Poissons et le cormoran,

Le Rat des villes et le Rat des champs

La Souris métamorphosée en fille,

La Tortue et les deux canards

etc.

 

Voici l'hommage que rend La Fontaine à  ce qu'écrit

 

 

IBN AL-AWZÎ (1186-1256)
 

Le lion, le loup et le renard

JEAN DE LA FONTAINE

 

Le lion, le loup et le renard

Le lion tomba malade.
 

Tous les animaux sauvages vinrent lui rendre visite, sauf le renard ;  le loup en profita pour le calomnier et raconter des propos mensongers sur son compte.
 

S’adressant au loup, le lion lui dit :

- « Si le renard se présente, préviens-moi. »
 

Entre-temps, le renard fut mis au courant des agissements du loup.
 

Lorsque le renard arriva, le loup avertit le lion. Ce dernier demanda au renard :


- « Où étais-tu, brave cavalier? » Le renard répondit :
- « J’étais parti en quête d’un remède pour Sa Majesté. »
- « Et qu’as-tu trouvé ? » demanda le lion, intéressé.
- « On m’a conseillé le remède suivant : un osselet de la patte du loup ».
 

Le lion asséna alors un coup de griffe qui mit en sang la patte du loup,  mais ne trouva rien.
 

Le renard s’éclipsa, puis il vit le loup, les pattes couvertes de sang, il lui dit :  


 -« Ô toi, le loup à la patte rouge de sang, tu ferais mieux, lorsque tu t’assieds chez les rois, de retenir ta langue ».

 

Un lion, décrépit, goutteux, n’en pouvant plus,
Voulait que l’on trouvât remède à la vieillesse.
Alléguer l’impossible aux rois, c’est un abus.
Celui-ci parmi chaque espèce
Manda des médecins: il en est de tous arts.
Médecins, au lion, viennent de toutes parts ;
De tous côtés lui vient des donneurs de recettes.
Dans les visites qui sont faites,
Le renard se dispense, et se tient clos et coi.
Le loup en fait sa cour, daube, au coucher du roi,
Son camarade absent. Le prince tout à l’heure
Veut qu’on aille enfumer renard dans sa demeure,
Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté ;
Et sachant que le loup lui faisait cette affaire :
« Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère
Ne m’ait, à mépris, imputé
D’avoir différé cet hommage ;
Mais j’étais en pèlerinage,
Et m’acquittais d’un vœu fait pour votre santé.
Même j’ai vu dans mon voyage
Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur
Dont votre majesté craint à bon droit la suite.
Vous ne manquez que de chaleur ;
Le long âge, en vous, l’a détruite :
D’un loup écorché vif, appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante :
Le secret, sans doute, en est beau
Pour la nature défaillante.
Messire loup vous servira,
S’il vous plaît, de robe de chambre . »
Le roi goûte cet avis-là.
On écorche, on taille, on démembre
Messire loup. Le monarque en soupa,
Et de sa peau s’enveloppa.
Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire ;
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire :
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière :
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien.

 

traduit et présenté par Fahd Touma: http://www.aly-abbara.com/litterature/fables/fables_arabes.html#ratsfontaine

 

Al-IBSHÎHÎ (1388-1446)
 

La souris du logis et la souris du désert

JEAN DE LA FONTAINE

 

Le rat des villes et le rat des champs

On raconte que la souris du logis vit la souris du désert dans la gêne et la peine ; elle lui dit :


- « Que fais-tu ici ? viens avec moi au logis car il y a toutes sortes d’opulence et d’abondance ».

Alors la souris du désert
vint avec elle.
Mais voici que le propriétaire du logis qu’elle habitait lui tendit un piège, constitué par une brique au-dessous de laquelle il avait placé un bout de graisse. Elle se précipita pour prendre le gras, la brique lui tomba dessus et l’écrasa. La souris des champs s’enfuit, hochant la tête et, étonnée, elle dit :

- « Certes, je vois une grande abondance, mais aussi une grande affliction ; par conséquent, la santé avec la pauvreté me sont plus douces que la richesse qui conduit à ma perte. » 

Puis elle s’enfuit vers le désert.

 

Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête ;
Rien ne manquait au festin :
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse on se retire :
Rats en campagne aussitôt,
Et le citadin de dire :
« Achevons tout notre rôt.
- C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;
Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc : fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre ! »

 

traduit et présenté par Fahd Touma: http://www.aly-abbara.com/litterature/fables/fables_arabes.html#ratsfontaine

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