FICHE DÉCOUVERTE

 

D’échecs en chèques

 

 mise à jour le mercredi 21 janvier 2009

 

 

AU SOMMAIRE DE LA PAGE :

 

* Le long voyage du chèque

* En remontant à la source du mot chèque

* Petite histoire du jeu d’échecs

* le périple des mots du jeu d’échecs

 

 

 

Le livre des échecs, Alphonse X, 1251-1283

 

 

* Cette fiche est constituée à partir d’une intervention de SELEFA au lycée jean Macé, Vitry-sur-Seine, le 4 mars 2002 dans le cadre de l’action pédagogique intitulée, « les mots, trem-plin pour la connaissance des civilisations ».

* Elle a servi de thème à une édition de l’émission Karambolage, ARTE, qui devrait passer début 2009.

 

 

Le long voyage du chèque

 

 

Ce petit bout de papier qu’on appelle chèque va bientôt disparaître, victime des technologies modernes. Il y a fort à parier que, très vite, le mot passe aux oubliettes avec la chose. Dépêchons-nous donc, tant qu’il reste présent dans nos mémoires, de conter son étonnant voyage…

Le chèque est né dans l’Angleterre du XVIIe siècle où les banquiers ont appelé check ce nouvel instrument financier. Pour en rendre l’usage plus sûr, ils ont soumis sa création et sa circulation à de nombreux contrôles. Il était tout naturel que le mot check signifiant justement « contrôle » se communique à l’innovation. Puis l’orthographe a changé en cheque.

Quant au mot check que l’anglais utilise pour dire « contrôle », il dérive à son tour d’une expression française, mettre en échec : on peut en effet mettre en échec des gens malveillants en contrôlant la qualité de leurs engagements.

Et ce mot échec, il ne vous dit pas quelque chose ? Bien sûr, il est puisé dans le vocabulaire du jeu bien connu où l’on s’exclame « échec ! » lorsqu’on s’attaque à la pièce maîtresse, le roi. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’appelle le jeu d’échecs.

Remontons encore le fil du temps. Pour arriver dans nos contrées, le jeu d’échecs a franchi les Pyrénées au XIe siècle sous la forme du latin scaccus. Il avait été introduit en Espagne par les Arabes qui l’avait appris des Perses, lesquels l’avaient eux-mêmes hérité des Indiens.

Rien d’étonnant que le jeu ait conservé la marque de ce long périple ! On sait que le roi de Perse était le shah. Par l’entremise des Arabes, ce mot qui est devenu le latin scaccus. Puis il s’est décliné dans toutes les langues européennes. C’est donc le persan shah qui se cache derrière les mots échec et chèque.

Mais au fait, comment dit-on chèque en persan ? Tout simplement tchek, exactement comme on le prononce en anglais ! Ainsi, à la manière du saumon qui, après avoir nagé vers la mer et traversé l’océan, a remonté la rivière où il est né, le mot est retourné vers sa source…

 

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En remontant à la source du mot chèque

 

Présentation au roi Chosroès Anushirvān du jeu d’échec importé récemment d’Inde dans le Shāh nāma de Ferdawsī.

 

 

Chèque : mot français, moyen de paiement

 

<<< check : mot anglais, >>> anglais cheque, sous l’influence du français

 

<<< to check : mot anglais « vérifier, contrôler »,

 

<<< échec (faire échec à) : mot français <<< expression échec (jeu d’),

 

<<< échec et mat : expression française, du jeu d’échecs

 

<<< eschac mat : vieux français (1080)

 

<<<  مات الشاه  al-shâh mât : expression arabe du jeu d’échecs : al-shâh (prononcé esh-shâh) = le roi + mât = est mort, l’arabe étant lui même une interprétation du persan shâh ma-dan = le roi est immobilisé [incapable de s’en aller]

 

<<< shâh : mot persan pour « le roi ».

 

<<< traduction du mot sanscrit raja « roi » dans le jeu de chaturanga

 

 

Nota bene : l’anglais cheque est aujourd’hui revenu chez les Arabes sous les formes شك shik et   شيك  shîk, pl. شكات  shikât et شيكات shîkât.

 

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Petite histoire du jeu d’échecs

 

1. Au départ, un jeu de guerre

 

 
* En Inde
 
Comme son nom lindique, le caturanga est un jeu martial, puisquil désigne quatre (catur, prononcé tchatur) corps darmée comportant des chars, des éléphants, des chevaux et des fantassins, et il se joue probablement à quatre.
 

La légende de Sissa

En Inde, on raconte que le roi Belkib cherchait à tromper son ennui. Il promit une récompense exceptionnelle à qui lui proposerait une distraction qui le satisferait. Lorsque le sage Sissa lui présenta le jeu de chaturanga, le roi, enthousiaste, demanda au sage ce quil souhait comme récompense. Sissa demanda au prince de déposer un grain de blé sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les cases de l’échiquier soient remplies, ce que le roi accorda immédiatement, pensant cette récompense de peu de prix.

Mais il apprit vite que ce faisant il se ruinait : en effet, sur la dernière case de léchiquier, il faudrait déposer 263 graines, soit plus de neuf milliards de milliards de grains (9 223 372 036 854 775 808 grains précisément), et y ajouter le total des grains déposés sur les cases précédentes, ce qui fait un total de 18 446 744 073 709 551 615 grains (la formule de calcul est alors 264-1) !

 

* En Perse
 
Passé chez les Persans qui nous ont laissé un remarquable catrang nameh (prononcé : chatrang namé) ou « traité du jeu d’échecs », au début du VIIè siècle, il a déjà été simplifié puisqu’il se joue à deux.

 

Les règles du catrang étaient assez similaires à celles du jeu déchecs que nous connaissons. Il se jouait sur un plateau de

64 cases, alternativement blanches et noires, avec des pièces qui nous seraient familières. Leur nom était basé sur les formations militaires de lépoque. Il y avait:

* les fantassins, les pions,

* les éléphants, aujourdhui les fous, les cavaliers,

* les chariots devenus les shah rukh, ou « champions du roi », aujourd'hui les tours,

* le ministre (aujourd’hui la reine)

* et le roi. Lorsque les Perses adoptèrent ce jeu, ils appelèrent la dernière pièce šāh, et la partie se terminait par les mots šāh ma-dan « le roi est immobilisé, cerné », à lorigine de lexpression « échec et mat ».

 

 

 

Le plus vieux de chatrang connu, daté de 760 de notre ère,  a été trouvé à Afrasaib, près de Samarkand in Ouzbekistan, dont il nous reste sept pièces : le roi, le vizir, le cheval, l’éléphant et deux pions.

 

à droite, le cavalier d’Afrasaib

à gauche, le rukh sur un vieux jeu de chatrang

 

 

Le Livre des échecs, Alphonse X, 1251-1283

 

* Chez les Arabes

En conquérant la Perse en 642, les Arabes l’adoptent rapidement et ses règles sont clairement établies dans un traité d’Al-Sūlī daté de 840.  et le diffusent dans l’espace méditerranéen.

 

 

 

* En Espagne

 

Sa première mention en Europe se situe en Catalogne vers 1020.  Alphonse X, le roi de Tolède, y consacrera une beau chapitre dans son Libro de los juegos ou « Livre des jeux », d’ailleurs soustitré libro de ajedrez, dados y tablas, ou « Livre des jeux, dés et tables », édité vers 1260.

 

Le Livre des échecs, Alphonse X, 1251-1283

 

 

2. En Europe, les échecs deviennent un jeu de cour

 

Parvenu en Europe, le jeu se modifier pour trouver sa forme actuelle  au xve siècle. Le principal indice de cette transformation peut être vu dans la transformation du  الفرزان / al-firzān = « le ministre » arabe en dame. Le mot lui-même y est pour quelque chose : il était facile de confondre fierge, qui était l'emprunt du mot arabe avec vierge, et de passer à dame. Mais cela n’était possible que par ce que  de jeu guerrier qu'il était au départ, le jeu était devenu jeu courtois.

C’est sous cette forme qu’il se répandit au Moyen-Âge dans toute l’Europe, chaque pays adaptant les noms inconnus à la compréhension qu’il en avait ou leur donnant ceux des objets qu’il croyait deviner.

* C’est ainsi que les rochs deviennent des tours, mais l’opération qui consiste à déplacer la tour s’appelle toujours le roque.

* De leur côté, les Scandinaves et les Anglais ont vu dans une des formes , t en anglais, la forme des tours a donné d'idée .

 

 

Joueurs d’échecs, manuscrit allemand, Heidelberg, vers 1320.

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Le périple des mots du jeu d’échecs

 

 

1. Du sanskrit à l’arabe

 

 

sanscrit

moyen perse

persan moderne

arabe

चतुरअङ्ग   caturaṅga
= « 4 corps darmée »
čatrang

 شطرنگ  šaðrang /  شطرنج  šaðranj

الشطرنج  al-šaðranj

राजन् rājan

= « roi »

šāh

= « roi »

 شاه  šāh

= « le roi »

 الشاه al-šāh

= « le roi »

मन्त्रिन्   mantrin

= « conseiller, ministre »

wuzurg

= « ministre »

 فرزين  firzīn  > وزير  wazīr

= « ministre »

الفرزان al-firzān  > وزير  wazīr

= « le ministre »

हस्तिन् hastin

= « éléphant »

pīl

= « éléphant »

پيل  pīl >  فيل  fīl

= « éléphant »

الفيل al-fīl

= « lélephant »

रथि् ratha

= « char de guerre »

नौ॰क  naukā

= « barque »

rah  ,

= « char »

madayar

« coursier »

رخّ  roËË

 

ar. : الرخّ  al-ruËË

 

अश्व  aśva 

= « cheval »

pFA asp

= « cheval »

اسپ asp

= « cheval »

الفرس al-faras

= « le cheval »

पदातिन्  padātin

= « piéton, fantassin »

payādag

= « fantassin »

بياده  piyādeh

= « fantassin »

البيداق al-baydāq

= « le fantassin »

 

 

 

2. De l’arabe au français

 

arabe

latin

ancien français

français

الشطرنج  al-šaðranj 

ascaci

 

eschecs

 

échecs

 الشاه al-šāh = « le roi »

rex

roi

roi

الفرزان al-firzān  = « le ministre »

ferzia, domina

fierge

dame

الفيل al-fīl = « lélephant »

alphiles

aufin, alfin

fou

ar. : الرخّ  al-ruË  = « l’oiseau roch »

rochus

roc, roch

tour

الفرس al-faras = « le cheval »

 

equus

cavalier

cavalier

البيداق al-baydāq  = « le fantassin »

pedes

peon

pion

 

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